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Analyse L’Enfant sauvage

En 1970, alors que le mouvement de la Nouvelle Vague s’est essoufflé, François Truffaut ré-explore la thématique de l’enfance qu’il avait déjà abordé dans son premier film, Les 400 coups. Mais c’est ici le point de vue de l’adulte qui est exposé et non celui de l’enfant. Construit autour d'une relation évoluant de jour en jour, ce film raconte l'histoire vraie d'un enfant loup soumis aux instructions d’une autorité scientifique, mêlant plusieurs thèmes tel que l'art, la science ou l'affection. 

Société et primitivité, quand deux mondes se rencontrent.

Dès les premiers instants du film, Victor est déraciné de son milieu naturel. Ayant vécu par ses propres moyens loin de toute civilisation, il n’est absolument pas prêt à intégrer ce monde inconnu dans lequel il est incompris. D’emblée, des éléments du décors nous le font ressentir : arbres, encadrements de portes, fenêtres, autant de lignes verticales qui isolent le personnage au sein même des plans, renforçant sa solitude. Les fenêtres filmées de l'intérieur ou depuis l'extérieur, sont omniprésentes tout au long du film et évoquent la fine frontière entre vie sauvage et civilisation.

Elles nous rappellent également notre position de spectateur. Nous assistons alors à l’apprivoisement de Victor et regardons son évolution depuis son environnement d’origine, comme pour mieux le comprendre. C’est d’ailleurs dans les plans de nature que l’enfant s’intègre le mieux, allant jusqu’à se fondre dans le décor.  

De l’enseignement à l’apprentissage, l’évolution d’un enfant sauvage.

Tout ce que fait Victor, il le fait pour la première fois. De la découverte de son environnement à celle des sentiments, le petit garçon apprend tout au long du film révélant au spectateur son évolution, ses échecs et ses réussites. C’est sûrement cela qui intéresse Dr. Itard, passant très rapidement du statut de scientifique à celui d’éducateur. Il tente alors de sculpter dans l’enfant-loup un véritable petit humain. La rédaction quotidienne de son journal de bord au vocabulaire riche appuyée par sa voix-off claire vient illustrer les objectifs qu’il souhaite faire atteindre à Victor : écrire et parler. La voix distincte de François Truffaut ajoutée aux nombreux plans sur sa main écrivant contraste alors avec le silence de l’enfant. Des progrès sont néanmoins constatés et récompensés, tandis que se crée une réelle proximité entre les personnages. Finalement, quand on a tout à apprendre, l’amour est peut-être plus important que la parole…  

Vers d’autres moyens de communication, les cinq sens exploités.

Au delà du langage, c’est la communication qui est au cœur du film. Appréhendé comme sourd et muet, Victor réussit néanmoins à communiquer grâce aux stratagèmes d'Itard, qui lui fait associer l'articulation de mots à l'approche tactile d'objets. Il n'hésite pas à lui bander les yeux afin d'éveiller ses autres sens.

Cet éveil sensible  est souligné par une bande originale finement choisie : les mélodies baroques de Vivaldi et Bach prolongent l'expérience de la langue en se substituant aux voix du Dr. Itard et de Victor. A l'échelle du récit, de la communication compliquée entre l’enfant et le médecin naît une relation émotionnelle touchante, au delà des barrières du langage verbal : peu à peu, le film prend une dimension sensible et artistique.  Le spectateur se retrouve alors plongé dans une mise en abyme de sa propre éducation, redécouvrant les sentiments de satisfaction et d’injustice qu’il a vécus enfant.

« Oui c’est ta façon à toi de parler, mais la parole aussi est une musique Victor, que tu connaîtras  peut-être. Â»

Analyse de Liana Carbone, Alice Posière, Mathieu Eberhardt, Juliane Robert, Sarah Yaacoub 

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