Trois questions à… Frédérique F. Berger 

 

Que pensez-vous de la méthode d'éducation du docteur Itard ?

Le jeune sauvage de l'Aveyron est le premier enfant dont on tente de comprendre et de soigner l'aliénation mentale, il devient ainsi un cas paradigmatique pour les champs de la psychiatrie et de l'éducation. Il est intéressant de se demander si cette méthode éducative ne dévoile pas le sauvage que le docteur Itard porte en lui…

 

Victor vit un changement radical dans son mode de vie, y a-t-il un danger pour l'enfant ? 

Le premier changement est intervenu lorsqu'il a été abandonné et laissé pour mort vers l'âge de 3/4 ans dans les forêts de l'Aveyron et avait alors trouvé seul les ressources nécessaires à sa survie. Mon hypothèse est que ce sont sans doute les hommes qui sont dangereux pour lui : ceux qui l'ont abandonné, ceux qui l'ont capturé à maintes reprises, ceux qui en ont en fait un objet de curiosité et d'expérimentations éducatives.

 

La notion d'enfermement est esthétiquement très présente dans ce film. Selon vous, Victor est-il un enfant renfermé et solitaire, inapte à toute sociabilité ?

Effectivement et c'est bien l'enfermement qui marque le parcours de cet enfant : son abandon, la tentative d'infanticide, ses différentes captures et séquestrations, son envoi à Paris et l'intérêt voire la curiosité qu'il suscite dans la communauté scientifique et profane, l'expérimentation éducative et son échec, son abandon à nouveau... La vie de Victor est sans doute celle d'un enfermement et des conséquences mêmes de la rupture des liens avec d'autres êtres humains, liens passant par le corps, le langage, la parole et le désir qui participent au processus d'humanisation. On peut alors se demander si Victor ne tente pas de se protéger comme il peut de la relation aux autres, il vit en fonction de lui-même et choisit ceux avec lesquels il parvient à nouer une forme de relation et de lien social.

 

 

Interview réalisé par Liana Carbone, Matthieu Eberhardt, Alice Posière, Juliane Robert, Sarah Yaacoub.